3 ingrédients essentiels pour soutenir efficacement les élèves avec les services complémentaires au secondaire
Introduction
Comme enseignants, nous ne pouvons faire fi de l’hétérogénéité de nos groupes si nous voulons que nos élèves réalisent des apprentissages. Avec cette riche composition de classe, plusieurs services ont été mis sur pied dans nos milieux pour répondre aux besoins de nos élèves. Au quotidien, comment pouvons-nous mettre en place ces ressources et les exploiter adéquatement et efficacement pour répondre aux divers besoins de nos élèves? Dans cet article, je vous présente la manière dont se vivent les différents niveaux d’intervention dans mon milieu à partir de mon enseignement du français au secondaire. Pour aller plus loin, visionnez la capsule vidéo portant sur le même sujet!
Ingrédient 1 : le portrait de classe
Les deux premières semaines d’école sont un temps clé de l’année scolaire. C’est à ce moment que je crée les portraits de mes élèves. Cette première photo me permet de recueillir des informations en lien avec :
leurs besoins socioaffectifs, leur état général, leur rapport avec l’école et la matière, leurs goûts, leurs intérêts et leurs attentes personnelles, envers moi et envers les autres élèves du groupe ;
leur niveau de compétence en lecture et en écriture avec des tâches diagnostiques significatives.
Ce portrait me permet de :
faire rapidement des sous-groupes de besoins lorsque je travaille une notion donnée ;
modifier ma planification au regard de ce qui est non acquis chez mes élèves pour atteindre les cibles d’apprentissage du niveau enseigné ;
évaluer la pertinence des outils que je propose aux élèves ;
comprendre les fonctions des comportements manifestés par l’élève en classe ;
mettre la table pour créer le lien avec mes élèves.
Ce portrait se veut évolutif, que ce soit durant la réalisation d’une tâche donnée ou à la fin de celle-ci, j’y consigne ce qui est observable en classe chez mes élèves.
Ingrédient 2 : Des pratiques inclusives au niveau 1
Avant d’en arriver à demander toute forme de soutien individualisé à l’élève, il est essentiel d’instaurer des pratiques inclusives dans sa classe et dans son enseignement. Au-delà des portraits, je dois faire des choix pédagogiques qui répondent aux besoins de mes élèves. Pour être en mesure de le faire, je ne m’arrête pas à leur plan d’intervention. Au contraire, je pars du principe qu’en situation d’apprentissage, je leur donne accès à tous les outils.
Pour ce faire, je planifie en fonction de cibles d’apprentissage, d’intentions pédagogiques et de nœuds de compréhension ou d’obstacles aux apprentissages possibles. Je me demande :
À la fin de l’année, de l’étape ou du cycle, l’élève doit être en mesure de démontrer que… (cible d’apprentissage).
À la fin du cours, l’élève doit être capable de… (intention pédagogique).
Durant la réalisation de la tâche, qu’est-ce qui peut empêcher les élèves de réaliser les apprentissages attendus ou d’atteindre le niveau de compétence? (obstacles d’apprentissage)
Concrètement, afin de différencier plus facilement mon enseignement, j’ai choisi de :
délaisser le cahier d’exercices pour plus de liberté d’une année à l’autre au regard des portraits de mes élèves ;
bâtir des tâches authentiques et contextualisées grâce à l’environnement numérique 1:1 instauré dans mon CSS à partir d’œuvres littéraires, de balados et de documentaires qui rejoignent les intérêts de mes élèves ;
évaluer autrement en mettant de côté les méthodes traditionnelles pour favoriser la triangulation des preuves d’apprentissages.
Ingrédient 3 : L’analyse des besoins spécifiques en équipe multidisciplinaire
Une fois tout cela mis en place, si les difficultés de mon élève persistent, je remplis une demande de formulaire de référence pour ce dernier. Dans ce document, je consigne les informations suivantes :
les comportements observables en classe ;
les fonctions du comportement, si nécessaire ;
les observations que j’ai pu faire en lien avec ses défis d’apprentissage en lecture et en écriture.
Je dégage les difficultés en fonction des quatre dimensions de la lecture : compréhension, interprétation, réaction et jugement critique. Je note également s’il y a une différence marquée entre une lecture faite par l’élève et une lecture à voix haute faite par moi à l’élève.
Je cible les défis selon les cinq critères d’évaluation : adaptation à la situation de communication, cohérence du texte, vocabulaire, syntaxe et ponctuation, et orthographes lexicale et grammaticale.
Je termine le formulaire en demandant un type de soutien en particulier, selon mes observations, en relevant les diverses mesures que j’ai mises en place pour l’élève, les formes d’aide que je lui ai fournies et les communications avec les parents.
Ce document est analysé en équipe multidisciplinaire qui inclut direction adjointe, enseignant-ressource, super-tuteur, T.E.S. de niveau, psychologue, psychoéducateur et orthopédagogue. Ces intervenants regardent le portrait global de l’élève et déterminent les services nécessaires pour répondre à ses besoins.
Parmi ces personnes, ce sont l’enseignant-ressource ou les T.E.S. qui sont les plus susceptibles de se retrouver en classe pour observer l’élève dans divers contextes en classe : apprentissage, évaluation ou durant les moments névralgiques d’un cours, soit au début, lors des transitions ou à la fin. Dans mon école, l’enseignement-ressource permet de détailler le portrait de l’élève en lien avec les apprentissages, comprendre les nœuds qui l’empêchent d’apprendre malgré tous les outils qui sont mis à sa disposition et, bien sûr, l’aider à développer des stratégies universelles pour pouvoir les utiliser dans toutes les matières, afin de contourner ces nœuds.
Ce nouveau regard sur mon élève est essentiel pour ma pratique, car il me permet d’avoir une meilleure photo. Au regard des observations recueillies, je peux plus facilement envisager une nouvelle porte d’entrée pour l’amener à vivre des réussites dans mon cours. Il faut se rappeler que la finalité de ce processus n’est pas de donner un service de niveau 2 à l’élève. Au contraire, l’objectif est de faire éventuellement redescendre mon élève au niveau 1.
Les défis
Bien que, avec le formulaire de référence, nous nous soyons dotés d’un outil essentiel pour bien répartir les ressources nécessaires à l’élève, des défis persistent au quotidien. Parmi ces derniers, voici ceux qui, à mon avis, sont les plus importants :
établir une responsabilité partagée entre les enseignants afin de recueillir des informations sur les élèves ;
partager efficacement les informations recueillies durant les services reçus par l’élève entre les divers intervenants.es ;
comprendre le rôle de chacun et y rester fidèle le plus souvent possible ;
viser à faire redescendre l’élève au niveau 1.
Pour aller plus loin
CTREQ (2018), La collaboration entre enseignants et intervenants en milieu scolaire (consulté le 14 mai 2024).
Et si la façon d’atteindre le plein potentiel de nos élèves passait par leur cœur?
Fortier, M. (2023). Les petits gestes qui comptent pour une pédagogie plus inclusive. [Programme de formation] Institut des troubles d’apprentissage. Québec, Canada.
Élisabeth Boily, Noémia Ruberto, Myriam Fontaine, Nancy Granger, Judith Beaulieu et Marie-Pierre Baron (2023), Enjeux liés au rôle et aux fonctions de l’orthopédagogue en milieu scolaire en contexte d’éducation inclusive, Enfance en difficulté, Vol. 10 : L’éducation d’hier à aujourd’hui, UQTR.
L’ADOQ — L’Association des orthopédagogues du Québec (2018). Le référentiel des compétences professionnelles liées à l’exercice de l’orthopédagogue au Québec.
Un peu plus sur l'autrice
Depuis presque dix ans, Maude est enseignante de français au secondaire au Centre de services scolaire des Premières-Seigneuries. En 2022, elle a expérimenté la conseillance pédagogique pendant six mois pour ensuite retourner en enseignement afin d’appliquer tout ce qu’elle a pu découvrir durant cette période hautement riche en développement professionnel.