Bien s’organiser pour mettre en place des pratiques différenciées en classe au secondaire
Introduction
C’est sans surprise que l’on constate que nos groupes d’élèves sont de plus en plus hétérogènes. Répondre aux besoins de tous devient un véritable casse-tête! Étant donné la diversité de nos élèves et leurs défis variés, il est important de réfléchir à l’organisation de notre classe, et de notre enseignement, afin de faciliter la mise en place de pratiques différenciées… tout en évitant de s’essouffler.
Rappel : les paliers d’interventions du modèle RAI
Le niveau 1 correspond à l’enseignement et la différenciation en classe pour tous les élèves, généralement dans une approche inclusive selon la conception universelle de l’apprentissage. Cela devrait répondre aux besoins de 80 % des élèves du groupe. L’espace prof de l’Institut TA regorge de contenus pour vous soutenir à ce niveau.
Le niveau 2, réservé aux 20 % des élèves résistants à l’intervention du niveau 1, correspond à une intensification des interventions en petits groupes, que ce soit avec l’enseignant.e ou l’orthopédagogue.
Le niveau 3 est réservé à une minorité d’élèves ayant besoin d’interventions individualisées par des spécialistes.
Source : Marie-Philippe Goyer, dans l'article Organiser sa classe pour soutenir des sous-groupes d’élèves tous les jours, c’est possible!
Vous comprendrez que l’organisation de la classe, afin de faciliter la mise en place de pratiques différenciées, concerne précisément le niveau 2 du modèle. On croit parfois, à tort, qu’à ce niveau, les interventions ciblées sont réservées uniquement à l’orthopédagogue de l’école, ou même l’orthophoniste, et qu’elles doivent se vivre à l’extérieur de la classe. C’est faux! Le niveau 2 doit trouver sa place au sein de nos classes, afin de maximiser le potentiel des élèves.
Le niveau 2 en classe… quels sont les prérequis?
Chaque palier du modèle RAI se distingue par des objectifs d’apprentissage plus ciblés et par une intensification du soutien et des interventions fournies. L’implantation d’interventions de niveau 2 progresse de façon satisfaisante quand l’intervention ciblée et efficace de ce niveau s’ajoute à l’intervention de niveau 1.
« … Mais j’ai un groupe avec une grande majorité d’élèves en difficulté! Ne pourrais-je pas aller directement au niveau 2? »
La réponse est non. La première étape à l’implantation du niveau 2 en classe est d’avoir mis en place, de façon efficace, le niveau 1 ; c’est-à-dire avoir offert un enseignement et des interventions riches et universelles à l’ensemble de notre groupe. C’est la fondation de toutes vos interventions et elle doit être solide. Sans quoi, l’analyse faite pour cibler les élèves nécessitant une aide supplémentaire ne serait pas représentative de la réalité.
Portrait de classe
Lorsque le niveau 1 n’est pas suffisant pour permettre à plusieurs élèves de progresser comme attendu, on ajoute les interventions de niveau 2 et on crée ce qu’on appelle des groupes de besoin. Ces groupes rassemblent des élèves ayant des besoins similaires et susceptibles de bénéficier des mêmes types d’intervention. Pour les créer, il faut avoir les données nécessaires. Le portrait de classe compile les informations recueillies sur chaque élève à un moment précis et offre une vue d’ensemble des progrès réalisés en classe. Cela aide l’enseignant.e à identifier les élèves ayant des besoins similaires qui pourraient être groupés pour des interventions spécifiques, ou à déterminer les aspects sur lesquels se concentrer en priorité avec tous les élèves. Il faut donc veiller à ce que l’établissement d’un portrait de classe fasse partie de l’organisation de votre enseignement, avant de mettre en place le niveau 2.
L'autonomie des élèves
Comme mentionné, les interventions de niveau 2 concernent des élèves spécifiques. Il faut aussi considérer le reste de la classe qui ne sera pas en sous-groupe d’intervention. Afin d’être concentré avec les élèves nécessitant une aide supplémentaire, le reste de votre classe doit faire preuve d’autonomie, sans quoi vous pourriez être constamment interrompu. On croit parfois, à tort, que les élèves du secondaire possèdent déjà les stratégies nécessaires pour y arriver.
Dans l’organisation de votre enseignement, il faut donc réfléchir à cet aspect. Privilégiez des tâches et un enseignement axés sur des intentions pédagogiques et des cibles d’apprentissages claires pour les élèves. D’emblée, instaurez des stratégies qui aideront vos élèves à s’autoréguler, même lorsque vous êtes disponibles.
Enseignez des stratégies de dépannage pour faire face aux incompréhensions qui surviennent en cours de travail ;
Assurez-vous que vos élèves sachent où se trouvent les outils d’aide disponibles ;
Établissez vos règles à propos des déplacements en classe et à l’extérieur ;
Laissez des indices visuels sur quoi faire lorsque le travail principal est effectué et où le ranger ;
Établissez vos attentes par rapport au niveau de bruit permis ;
Mettez au clair les situations qui permettraient aux élèves de venir vous solliciter lorsque vous êtes en sous-groupe.
Organisation de la classe
L’organisation de votre classe est un élément essentiel à la mise en place du niveau 2. Il est absolument nécessaire d’avoir un endroit spécifiquement dédié à ces interventions, pour gagner du temps, favoriser l’autonomie et minimiser les dérangements. Il serait irréaliste et contre-productif de demander aux élèves de déplacer leurs bureaux et de refaire l’organisation de la classe à chacun de ces moments. Rapidement, les élèves concernés doivent pouvoir venir s’installer auprès de vous et les autres doivent pouvoir débuter leur travail.
Idéalement, l’endroit choisi doit vous permettre de gérer l’ensemble de votre classe et de garder un œil sur tous vos élèves. Une table installée dans le corridor n’est donc pas optimale! Cet endroit devrait aussi être suffisamment éloigné des autres élèves pour ne pas les déranger, mais aussi pour limiter les distractions pour les élèves en sous-groupe. Au secondaire, cet élément peut être difficile à mettre en place, dans l’optique où plusieurs enseignants.es se partagent parfois une même classe. À ce propos, la collaboration et la communication avec vos collègues sont essentielles.
Organisation du matériel
Au secondaire, les élèves se présentent généralement en classe avec leur matériel à la période concernée. Ce qui n’est pas nécessaire est laissé dans leur casier. Si les élèves du sous-groupe ont besoin de quelque chose de précis, il faut les avertir afin d’apporter le tout. De plus, connaissant bien nos élèves, il faut prévoir les oublis pour éviter les déplacements inutiles au casier. Des crayons et surligneurs supplémentaires, papillons adhésifs, tableaux blancs effaçables, pochettes transparentes, feuilles brouillon ou des photocopies supplémentaires pourraient être disponibles dans votre classe, dans des bacs de rangement ou un petit chariot à roulettes, afin de faciliter leur accès, tout comme les outils d’aide.
Interventions de niveau 2 durant la récupération… ça fonctionne?
Au secondaire, les récupérations sur l’heure du dîner sont chose courante. L’ensemble des enseignants en ont à leur horaire, à différents moments du cycle. Elles sont importantes et peuvent bénéficier aux élèves, mais il ne faut pas les confondre avec les interventions planifiées, ciblées et différenciées du niveau 2.
Ce midi, Louis s’est présenté à votre récupération afin de terminer son projet inachevé. Il y a aussi Yanis, venu vous rejoindre avec son lunch afin de démêler l’emploi des participes passés. Vous aviez aussi convoqué Arina, afin de l’aider à développer des stratégies en lecture. Samuel, Fatima, William et Clovis se sont aussi présentés pour écouter vos explications. Mme Jodoin vous a également demandé si vous ne pourriez pas accueillir Matt, qui devait faire sa retenue du midi au local ressource, mais en ce vendredi… il déborde!
Cette situation vous est sûrement familière! La période de récupération, où on a parfois l’impression de papillonner d’un élève à l’autre, ne fournit pas réellement un soutien ciblé aux élèves ayant des besoins particuliers. Elle est ouverte à tous, des élèves entrent et sortent, et n’est pas structurée comme une véritable période d’enseignement. De plus, la récupération se vit dans l’horaire des élèves comme un temps supplémentaire, tandis que les interventions de niveau 2 pourraient se vivre à même le temps de classe.
Pour aller plus loin
Desrochers, A. & Guay, M.-H. (2020). L’évolution de la réponse à l’intervention : d’un modèle d’identification des élèves en difficulté à un système de soutien à paliers multiples. Enfance en difficulté, 7, 5–25.
Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN), (2022). Augmentation du nombre d’étudiantes et d’étudiants en situation de handicap, diversification des profils étudiants et impacts sur la tâche enseignante.
Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (2020). Guide pour la mise en œuvre de la réponse à l’intervention dans le milieu scolaire, Québec, ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur.
Richard, M. (2020). Le rôle du développement professionnel dans la mise en œuvre du modèle de la réponse à l’intervention. Enfance en difficulté, 7, 51–79.
Un peu plus sur l'autrice
Laurence évolue depuis toujours dans le domaine de l’éducation, comme orthopédagogue ou enseignante en adaptation scolaire. Elle a travaillé auprès d’une multitude de clientèles, allant de la déficience intellectuelle à l’autisme, en passant par le Parcours de formation axée sur l’emploi et les défis d’apprentissage. Les apprenants en difficulté sont ceux qui lui tiennent le plus à cœur.