Mieux comprendre la surcharge cognitive chez l’élève
Introduction
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le cerveau humain n’est pas conçu pour réfléchir. Au contraire, il se réfère plutôt à des automatismes, processus éprouvés, maîtrisés et sécurisants. Lorsque vos élèves ou vous-même, vous vous retrouvez devant une situation nécessitant une réflexion ou impliquant beaucoup de nouveauté, il n’est pas étonnant que vous vous sentiez parfois dépassés, submergés, voire inefficaces. C’est ce qu’on appelle l’état de surcharge cognitive.
La mémoire à long terme, une alliée!
Quand le cerveau connaît bien le chemin vers une solution, il est heureux parce qu’il n’aura pas trop d’efforts à faire pour s’en sortir. Réfléchir et tenter de nouvelles choses impliquent un processus lent, éprouvant et les résultats sont incertains. Par exemple, si vous devez cuisiner une sauce à spaghetti, il y a peu de chances que vous vous mettiez à fouiller dans des livres ou sur des sites pour dénicher une nouvelle recette. Vous ferez probablement votre recette habituelle puisque vous la maîtrisez bien et que vous connaissez le temps dont vous aurez besoin pour la cuisiner ainsi que le résultat que vous obtiendrez. Cet exemple met en lumière l’importance de la mémoire à long terme dans l’exécution des tâches. Plus une personne possède de connaissances et d’automatismes bien organisés en mémoire à long terme, plus elle a la vie facile.
Chez plusieurs élèves, les connaissances encodées en mémoire à long terme sont souvent peu nombreuses, fragiles, erronées ou encore difficilement accessibles. Ils doivent donc réfléchir de façon plus importante, ce qui peut s’avérer très éreintant. Pour réaliser un apprentissage, les élèves doivent investir une certaine quantité de ressources cognitives, c’est inévitable. C’est ce qu’on appelle la charge cognitive. Quand un élève ne possède pas toutes les ressources nécessaires à la réalisation d’une tâche, on parle alors de surcharge cognitive.
Charge cognitive des apprenants
La charge cognitive des apprenants peut être affectée par trois éléments :
La complexité de la tâche correspond à toutes les informations qu’il faut traiter pour réaliser l’apprentissage. L’influence de l’enseignant sur la complexité de la tâche est assez faible.
Si je vous présente le mot abondante sur un support visuel pendant 10 secondes et que je vous demande 30 secondes plus tard de l’écrire sur un papier, la tâche sera probablement facile. Vous maîtrisez déjà l’alphabet et avez déjà été exposé à ce mot. C’est un peu comme si vous n’aviez qu’un seul élément d’information à conserver en mémoire.
Si je répète l’activité avec le même mot, mais en bulgare : изобилен. La tâche, qui demeure la même, sera autrement plus complexe à réaliser. L’alphabet est différent, on devra mémoriser chacun des symboles (sans en connaître le nom) ainsi que leur ordre dans le mot. Il y a de grandes chances pour que vous sentiez une certaine saturation de votre mémoire de travail, ce qui vous empêchera de réaliser l’apprentissage.
Finalement, si je répète une dernière fois l’activité, mais avec le mot en anglais : abundant. La charge cognitive est cette fois plus acceptable. L’alphabet est le même et le mot ressemble à son équivalent français.
À retenir? Selon le bagage que porte l’apprenant, la charge cognitive variera. C’est pour cette raison qu’il est important que les enseignants morcellent les tâches et s’assurent que les élèves possèdent les préalables nécessaires.
La charge extrinsèque est liée à l’organisation du support d’apprentissage. Elle correspond à toutes les informations superflues, non nécessaires à l’apprentissage (Bellec & Tricot, 2013). Dans ce contexte, l’influence de l’enseignant est importante.
La disposition des informations, le support de présentation de la tâche ou le vocabulaire utilisé sont tous des éléments qui peuvent provoquer la surcharge chez les élèves. Par exemple, rien de plus frustrant que de devoir copier au verso d’une feuille les éléments que l’on retrouve… au recto!
L’environnement peut, lui aussi, ajouter à la charge cognitive extrinsèque. En effet, un climat de classe où les stimuli sont nombreux et où il est difficile de se concentrer peut nuire à la réalisation des tâches.
La charge cognitive essentielle est l’effort nécessaire pour encoder les nouvelles connaissances en mémoire à long terme et les rattacher aux connaissances qui y sont déjà. Au moment de réaliser une activité, l’influence de l’enseignant sur les ressources de l’élève est nulle. Il est donc important de planifier des moments pour enseigner des stratégies cognitives en amont.
Par exemple, il faut enseigner aux élèves la mémorisation, l’organisation de l’information et la création de liens. Il faut aussi soutenir les fonctions exécutives des élèves pour leur permettre de développer des stratégies efficientes.
Les trois types de charges cognitives se cumulent. Si la complexité et la présentation de la tâche consomment trop de ressources, il n’en restera plus pour l’utilisation des stratégies cognitives de l’élève et un encodage efficace. Pour faciliter les apprentissages et l’encodage en mémoire à long terme, il faut donc limiter au maximum la complexité de la tâche et bien présenter l’information pour dégager les ressources cognitives de l’apprenant.
Le rôle de l’enseignant
En songeant à quelques petits correctifs en planifiant vos activités, vous pouvez contribuer à dégager les ressources cognitives de vos élèves :
Assurez-vous que vos élèves maîtrisent bien les préalables à l’apprentissage. On fait parfois l’erreur d’assumer que nos élèves savent ou on se dit qu’ils devraient savoir sans l’avoir vérifié.
Le groupe d’une enseignante n’arrivait pas à localiser le Québec sur une carte géographique et elle en était fort découragée. Après avoir cherché la cause des difficultés de ses élèves, elle s’est rendu compte qu’ils ne faisaient pas la différence entre la terre et l’eau sur la carte. Ce qui nous semble une évidence ne l’est pas toujours!
N’hésitez pas à morceler les apprentissages et à les micrograduer. Moins haute est la marche, plus le défi est réalisable.
Un éléphant, ça se mange par petites bouchées! Vos élèves peuvent parfois être envahis par l’ampleur de ce qui est attendu d’eux et cela peut nuire à leur activation ou leur donner l’impression d’être submergés. Tentez de planifier des activités où les savoirs seront réinvestis et où la nouveauté ne constitue qu’une petite part du contenu.
Automatisez les éléments de façon isolée avant de les associer entre eux. Moins il y a d’interaction entre les apprentissages, plus la tâche est accessible pour vos élèves. Par exemple, assurez-vous que vos élèves maîtrisent bien l’algorithme de l’addition avant de leur présenter des problèmes où ils devront choisir cette opération lors du processus de résolution.
Regroupez les informations essentielles lors de la présentation des activités.
La disposition de l’information est importante. Rien de plus drainant que de devoir sans cesse tourner une feuille pour y repérer au recto les informations dont on a besoin au verso.
Évitez les tâches en attention partagée ou alternée.
Aidez vos élèves à conserver leur énergie. Des tâches qui demandent d’alterner leur objet d’attention, comme copier dans un cahier des informations qui sont au tableau, ou encore qui demandent de partager leur attention entre deux stimuli, comme vous écouter en prenant des notes, sont très énergivores et peuvent mener à la surcharge.
Activez les connaissances antérieures des élèves.
Au besoin, faites une capsule de révision avant d’aller plus loin. En réactivant une connaissance, on décharge l’élève puisqu’il n’aura pas à retrouver l’information dans sa mémoire à long terme.
Combinez l’information verbale et visuelle.
Plusieurs options s’offrent à vous, que ce soit en ayant recours à la synthèse vocale avec surbrillance du mot lu ou encore en rendant accessibles des référentiels visuels lors de vos animations.
Allégez le visuel en vous en tenant à l’essentiel, même si des documents bien décorés, c’est si beau!
Le superflu ajoute des éléments à traiter pour les élèves. Même s’il est évident pour vous que ce n’est pas important, ce l’est moins pour l’élève qui devra le traiter pour le réaliser.
Adoptez autant que possible une gestion de classe réduisant les stimuli.
Le bruit du mobilier, des pairs qui chuchotent, les messages à l’interphone sont autant d’éléments supplémentaires à gérer pour vos élèves. C’est parfois la goutte qui fait déborder le vase et qui nous place en surcharge.
Réduisez le texte à sa plus simple expression. Tentez aussi d’éviter l’utilisation de synonymes quand cela n’est pas l’objet de l’apprentissage.
Rapidement dans leur scolarité, vos élèves ont compris que le texte écrit doit être décodé et traité. Plus il y en a, plus ils sont sollicités. Il est donc important de s’en tenir à l’essentiel, dans le respect de votre intention pédagogique, afin de dégager au maximum les ressources des élèves pour la réalisation de la tâche.
Conclusion
En conclusion, pour éviter la surcharge cognitive chez les élèves, il importe d’agir en prévention. On évite alors qu’ils aient le sentiment d’être dépassés et de ne pas être à la hauteur. Avec une bonne compréhension de ce qui place les apprenants en surcharge, il est possible, lors de la planification des activités, de réduire significativement les obstacles qui se présenteront à eux.
Pour aller plus loin
Willingham, Daniel T. (2009). Why Don’t Students like School? : A Cognitive Scientist Answers Questions About How the Mind Works and What It Means for the Classroom
Bellec, D., Tricot, A. (2013). Étude des systèmes techniques en enseignement secondaire : apports de la théorie de la charge cognitive
Sweller, J., (1998). Cognitive Load During Problem Solving: Effects on Learning
Tricot, A. (2018). Surcharge cognitive. Encyclopedia Universalis.
Tricot, A. (s.d). [Interview] Qu’est-ce que la charge cognitive.
Par Temps Clair, pratiques enseignantes éclairées par la recherche
Willingham, Daniel T. (2009). Why Don’t Students like School? : A Cognitive Scientist Answers Questions About How the Mind Works and What It Means for the Classroom
Un peu plus sur l'autrice
Bachelière en orthopédagogie, Karine a travaillé plusieurs années comme orthopédagogue en soutien aux élèves du secteur des jeunes et pilote maintenant L’Équipe-Choc des services éducatifs complémentaires en FGA/FP. Cette équipe de ressources expertes met à la disposition des adultes du Québec des centres d’éducation et des formations répondant à leurs besoins dans les trois programmes des services éducatifs complémentaires.