Pourquoi les difficultés langagières se reflètent-elles en écriture ?
Introduction
Les difficultés langagières peuvent avoir un impact significatif sur certains aspects de la communication d’un enfant, y compris sur l’écriture. Comprendre comment ces difficultés se manifestent dans les différentes composantes du langage peut vous aider à soutenir vos enfants qui présentent des défis dans l’expression ou la compréhension du langage oral. Dans cet article, nous explorerons les cinq composantes de la langue et leurs effets sur l’écriture.
Mise en contexte
L’expression et la compréhension sont deux habiletés du langage qui nous permettent d’exprimer nos idées clairement et de comprendre des consignes. Lorsqu’un enfant éprouve des difficultés langagières, ces dernières peuvent nuire au développement de ses compétences en écriture. Il n’est donc pas surprenant qu’un enfant qui a du mal à se faire comprendre puisse rencontrer les mêmes défis lorsqu’il doit écrire des textes. Il faut également savoir que les habiletés langagières reposent sur cinq composantes et qu’elles peuvent être atteintes à différents degrés de sévérité. Les prochains paragraphes vous permettront de mieux comprendre ces composantes et leurs impacts sur le développement des compétences en écriture chez vos enfants.
Phonologie
La phonologie est une composante qui fait référence à la représentation qu’on a de la langue parlée au niveau des sons et des syllabes dans les mots. Elle se raffine par le développement de la conscience phonologique, c’est-à-dire que l’enfant prend conscience des plus petites unités de sons dans un mot, des syllabes qui le composent ou encore des mots qui riment ensemble.
- Dans le mot maison, l’enfant parviendra à le segmenter en syllabes (mai/son) et en sons (quatre sons : -m-ai-s-on). Il pourra même dire que le mot maison rime avec poisson.
Cette composante est essentielle au début de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. En effet, elle sert de base dans le développement des connaissances liées aux relations entre les sons entendus et la manière de les reproduire à l’écrit. Ainsi, lorsque la composante phonologique est atteinte, il se peut que l’enfant éprouve de la difficulté à apprendre à lire et à orthographier de nouveaux mots.
- Pour écrire le mot maison, l’enfant doit d’abord décomposer le mot en sons puis associer chaque son aux lettres correspondantes. Si l’enfant n’a pas de représentation mentale des correspondances lettres-sons, il pourrait observer des sons manquants dans les mots ou une mauvaise utilisation des associations lettres-sons.
Morphologie
La morphologie permet entre autres à l’enfant d’élargir son vocabulaire. Par exemple, en associant un mot à une famille de mots qui partage une base commune. Cette composante permet à l’enfant de prendre conscience que certaines unités du mot sont porteuses de sens et qu’elles ne sont pas toujours audibles à l’oral. Cette prise de conscience est particulièrement importante dans le développement des connaissances grammaticales et leur application à l’écrit.
Si cette composante est atteinte, l’enfant aura du mal à différencier les unités porteuses de sens et les associer à une classe de mots. L’enfant pourrait donc produire des erreurs au niveau de l’orthographe grammaticale, c’est-à-dire les accords en genre et en nombre ainsi que les terminaisons verbales.
- Pour écrire la phrase « Les poissons nagent dans l’eau cristalline. » L’enfant doit penser à :
- ajouter un s à la position finale du mot poissons parce que ce mot est un nom commun, donc le donneur d’accord en genre et en nombre. Et selon le sens de la phrase, il y en a plusieurs.
- ajouter un nt à nagent parce qu’il aura préalablement identifié qu’il s’agit d’un verbe conjugué au présent (donc deux analyses différentes) et que ce verbe reçoit l’accord en personne et en nombre. Pour cela, l’enfant devra également identifier son sujet, les poissons, et en déduire qu’il occupe la troisième personne du pluriel.
- orthographier le mot cristalline en identifiant la base du mot qui est cristal et ensuite, faire appel aux règles orthographiques pour doubler la consonne l pour former le suffixe ine.
Ça en fait beaucoup à penser en même temps, n’est-ce pas ?
Syntaxe
La syntaxe ! On en entend beaucoup parler, mais on n’arrive pas toujours à définir ce concept avec précision. En résumé, cette composante de la langue réfère à la capacité à organiser les mots dans une phrase ou les idées qu’on souhaite partager, et ce, à l’oral et à l’écrit. Pour y arriver, l’enfant doit faire appel à plusieurs habiletés qui reposent sur un large éventail de connaissances grammaticales.
Voici quelques exemples de processus à mobiliser en lien avec la syntaxe.
- Structurer la phrase à produire
- Réfléchir au sens de la phrase et à la clarté de son message
- Utiliser la ponctuation appropriée
- Organiser ses idées logiquement dans un paragraphe
Vous ne serez pas étonné qu’un enfant qui présente des difficultés au niveau de l’expression orale puisse également avoir de la difficulté à structurer ses idées par écrit. De plus, il devra faire appel à différentes connaissances grammaticales pour vérifier la syntaxe, ce qui peut être difficile à faire en raison du vocabulaire complexe associé à ces dernières.
- Pour structurer une phrase à produire, l’enfant doit se rappeler :
- Il faut obligatoirement un sujet (c’est/ce sont…qui) et un prédicat (fonction du groupe du verbe).
- Que selon le type de phrase (déclaratif, interrogatif, exclamatif ou impératif), l’ordre et la présence des constituants peuvent changer.
- Il doit utiliser des marqueurs de relation (donc, parce que, aussi) pour établir des liens entre certains éléments à l’intérieur d’une phrase. Il faut donc qu’il comprenne le sens de ces mots qui sont abstraits.
- Pour s’assurer que la phrase produite soit porteuse de sens et que le message soit clair, l’enfant doit :
- Se questionner et se mettre à la place de son destinataire. Autrement dit, il doit être capable de déterminer s’il y a une autre façon d’exprimer son idée plus clairement.
- Porter une attention particulière à la reprise de l’information, c’est-à-dire de remplacer un mot ou un groupe de mots par le bon pronom ou le bon synonyme afin d’éviter les répétitions. Cela n’est pas simple pour un enfant qui éprouve des difficultés sur le plan de la compréhension.
- Pour utiliser la ponctuation appropriée, l’enfant doit pouvoir :
- Délimiter le début et la fin d’une phrase.
- Identifier les constituants de la phrase.
- Comprendre à quel moment certains signes de ponctuation peuvent être utilisés.
- Pour organiser ses idées logiquement dans un paragraphe, l’enfant doit être en mesure :
- De se représenter son texte globalement. Pour cela, il doit différencier les idées principales (ce qui est le plus important) des idées secondaires (les détails).
- D’organiser les paragraphes à partir des idées principales, puis regrouper les idées secondaires logiquement pour chacun des paragraphes.
- De choisir des organisateurs textuels appropriés qui respectent la progression des idées et les temps verbaux. D’ailleurs, il peut être complexe pour un élève ayant des difficultés langagières de comprendre le système verbal et de l’appliquer à l’écrit.
Sémantique
La sémantique fait référence à la signification des mots et des expressions. Les difficultés liées à l’expression ou à la compréhension du vocabulaire se répercutent dans toutes les activités de la vie quotidienne de l’enfant, y compris en milieu scolaire. C’est notamment le cas pour l’apprentissage de nouveaux concepts qui font référence à des mots qu’on n’entend pas souvent au quotidien.
Voici quelques exemples de mots qui peuvent être plus difficiles à comprendre :
- ceux qui sont moins fréquents qu’à l’oral ;
- ceux qui sont propres à une discipline scolaire ;
- ceux qui sont complexes et longs ;
- ceux qui peuvent avoir plusieurs significations selon le contexte.
Un enfant qui éprouve des difficultés langagières va souvent utiliser les mêmes mots, employer des mots au sens large ou utiliser des mots dans le mauvais contexte. Aussi, il peut avoir de la difficulté à récupérer en mémoire certaines connaissances ou stratégies de révision en raison du vocabulaire associé à ces concepts.
Voici d’autres exemples où les difficultés langagières liées à la sémantique peuvent nuire en situation d’écriture.
- L’enfant ne respecte pas l’intention d’écriture parce qu’il ne comprend pas les mots utilisés dans les consignes.
- L’enfant ne parvient pas à utiliser ses stratégies d’écriture pour réviser et corriger son texte puisqu’il n’arrive pas à comprendre le sens des mots associés aux concepts à mobiliser.
- L’enfant produit des textes ayant moins de mots et ces derniers sont plus simples.
- L’enfant utilise maladroitement des synonymes parce qu’il ne comprend pas le sens de la définition.
- L’enfant fait de mauvaises associations de mots, ce qui rend la compréhension du message difficile.
Pragmatique
Cette dernière composante réfère à toutes les aptitudes nécessaires au développement des habiletés sociales. Par exemple, un enfant qui éprouve des défis en langage pourrait avoir de la difficulté à :
- savoir quand intervenir dans une conversation ;
- utiliser le vocabulaire approprié selon son interlocuteur ;
- adapter son propos à la situation de communication ;
- à attendre son tour de parole.
Autrement dit, les habiletés pragmatiques permettent à l’enfant de développer de bonnes habiletés de communication.
Les habiletés pragmatiques peuvent nuire au processus d’écriture pour différentes raisons. En effet, l’enfant peut avoir de la difficulté à communiquer ses idées puisqu’il saisit mal le contexte dans lequel s’inscrit le projet d’écriture.
Voici quelques exemples en lien avec des difficultés au niveau pragmatique :
- identifier l’intention d’écriture, le but ;
- faire preuve d’un raisonnement logique ou d’une argumentation qui se tient ;
- utiliser l’humour pour faire passer son message ;
- ajuster son vocabulaire au destinataire ou selon le contexte ;
- sélectionner les informations pertinentes en lien avec le sujet et rester centré sur celui-ci.
En conclusion, j’aimerais attirer votre attention sur le fait qu’il est important d’intervenir tôt et faire appel à un professionnel, si possible, lorsque son enfant présente des fragilités au niveau du développement langagier.
Afin de soutenir votre enfant dans ses tâches d’écriture, voici quelques astuces :
- créer un aide-mémoire pour rendre concrets des concepts ou des notions plus difficiles à comprendre ;
- lui permettre d’avoir accès à des modèles ou des exemples auxquels il peut se référer en tout temps ;
- faire des schémas, des dessins pour représenter des stratégies, des trucs ou des procédures de révision par exemple.
Pour aller plus loin
- Association québécoise des neuropsychologues. Le trouble développemental du langage : trouble spécifique du langage et communication. Consulté le 15 juin 2023. URL : https://aqnp.ca/documentation/developpemental/dysphasie/
- Bardell, T. (2020). Les capacités langagières verbales et les troubles d’apprentissage : Compte rendu à l’intention des professionnels de l’enseignement. Consulté le 15 juin 2023. URL : https://www.taalecole.ca/capacites-langagieres-verbales/
- Chapeleau, N. & Godin, M.-P. (2020). Lecteurs et scripteurs en difficulté : propositions didactiques et orthodidactiques. Québec. Presses de l’Université du Québec.
- Daigle, D. et Berthiaume, R. (2021). L’apprentissage de la lecture et de l’écriture : décomposer les objets d’enseignement en microtâches pour les rendre accessibles à tous les élèves, Montréal, Éditions Chenelière.
- Desrochers, A. (2021). L’approche de la réponse à l’intervention et l’enseignement de la lecture-écriture. Québec. Presses de l’Université du Québec.
- Di Santé, M. (2017). Habiletés pragmatiques des enfants ou comment devenir un bon communicateur ! En ligne. Consulté le 15 juin 2023. URL : https://passetemps.com/blogue/habiletes-pragmatiques-des-enfants-n3628
- Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. (2017). Référentiel d’intervention en écriture. Québec, Gouvernement du Québec. [En ligne] : http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/education/adaptation-scolaire-services-comp/Referentiel-Ecriture.pdf
- MELS. (2012). Le référentiel d’intervention en lecture pour les élèves de 10 à 15 ans. Soutien aux élèves pour le développement de la compétence à lire. Québec. Gouvernement du Québec. http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/education/adaptation-scolaire-services-comp/Referentiel-Lecture_section1.pdf
- https://aqnp.ca/documentation/developpemental/dysphasie/
Un peu plus sur l'autrice
Marie-Lou a commencé sa carrière dans le monde de l’éducation en tant qu’enseignante en adaptation scolaire. Rapidement, elle s’est intéressée à l’orthopédagogie, domaine dans lequel elle s’est spécialisée au cours des 15 dernières années. De plus, elle a agi en tant que conseillère pédagogique pour outiller les enseignants dans l’adoption de pratiques d’enseignement inclusives et différenciées en salle de classe ordinaire. Marie-Lou a également contribué à la mise en place d’outils d’aide à la lecture et à l’écriture pour soutenir les élèves rencontrant des défis d’apprentissage.