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Pourquoi l’entretien de lecture est-il bénéfique pour tous les élèves?

Primaire

Introduction

Imaginez un joueur de tennis et son entraineur. Ce dernier veut évaluer la capacité de son apprenant à effectuer un retour de service. Pour ce faire, il lui tend un bout de papier afin qu’il dessine et explique comment il s’y prend. Insensé, me direz-vous? C’est pourtant ce que nous faisons en évaluant la lecture à partir de questionnaires écrits seulement. Comment pouvons-nous alors récolter des preuves authentiques et fiables de la compétence à lire de nos élèves, qui plus est, ceux en difficulté?

L’acte de lire

L’acte de lire est opaque : les mécanismes et les processus impliqués pendant la lecture sont silencieux et souvent imperceptibles. Évaluer la compétence à lire d’un élève exige donc de récolter des traces variées qui rendront réellement compte de ses habiletés. L’entretien de lecture, ce moment privilégié entre le lecteur en apprentissage et l’enseignant, permet à la fois de juger des habiletés en lecture et de soutenir l’apprentissage. Lors de l’entretien, l’enseignant peut écouter l’élève lire un vrai livre, observer la gestion de sa compréhension, ses réactions, son interprétation et son appréciation. C’est une discussion entre un lecteur expert, l’enseignant, et un lecteur en apprentissage.

Votre entretien de lecture est inclusif s’il soutient les élèves ayant des défis d’apprentissage ainsi que tous les autres. C’est une pratique inclusive puisqu’elle s’adapte aux besoins des différents élèves.

Comment se déroule l’entretien de lecture?

L’entretien de lecture se déroule en trois temps. 

La préparation à la lecture 

Peu importe l’âge du lecteur, l’enseignant l’accompagne dans cette phase. Même si mes élèves en vivent fréquemment, je leur rappelle chaque fois le déroulement de l’entretien. Les attentes clarifiées diminuent l’anxiété. Les lecteurs sont invités à choisir le livre qu’ils veulent lire parmi une petite sélection d’albums au niveau de difficultés semblables. L’offre de choix est un facteur important pour l’engagement et la motivation à lire. Ensemble, on va observer la 1re et la 4e de couverture, lire le titre et le résumé, s’il y a lieu. Puis, j’invite l’élève à formuler son intention de lecture. 

La prise en charge de la lecture par l’élève

Chez les lecteurs du 1er cycle, nous allons les écouter lire à haute voix afin d’observer le contrôle qu’ils ont sur leur lecture. On va alors noter les méprises, les réajustements et les stratégies de dépannage utilisées. Les lecteurs plus expérimentés, généralement à partir de la 3e année, sont encouragés à lire de façon autonome et silencieuse. D’ailleurs, la lecture à haute voix peut souvent amener l’élève à se concentrer davantage sur la prosodie que sur la compréhension. Il est également possible de vivre l’entretien en dyade : nous aurons tout de même accès à la compréhension de l’élève même s’il partage la lecture avec un camarade. En plus de nous faire gagner du temps précieux, l’entretien à deux permet aux lecteurs d’être un modèle l’un pour l’autre. Les lecteurs peuvent ainsi ajouter aux commentaires de l’autre ou débattre d’une interprétation. 

Le retour sur la lecture

Cela se fait sous forme de discussion avec l’enseignant. L’élève démontre sa compréhension en faisant un rappel de l’album lu, puis on lui pose quelques questions en lien avec les 4 dimensions de la lecture. Je reviens également sur l’intention de lecture si le lecteur n’en fait pas mention pendant son rappel. Si vous vivez l’entretien de lecture en dyade, vous devrez planifier au moins deux questions par dimension afin que chaque élève ait la chance de démontrer sa compétence.

À quelle fréquence devons-nous rencontrer les lecteurs?

L’entretien de lecture est une preuve d’apprentissage qui nous permet à la fois d’observer et de discuter avec l’apprenant. Il doit s’inscrire au sein d’une variété de dispositifs en lecture. J’alloue généralement une période de deux semaines par étape aux entretiens. Je rencontre donc de façon plus officielle chaque élève une fois par étape. Cela dit, si le temps ne nous permet pas de rencontrer tous les élèves, il est possible de valider notre jugement en ne rencontrant que certains d’entre eux. Vous savez, ces élèves qui ne semblent pas réussir pleinement dans les tâches écrites? L’entretien de lecture vous permettra enfin d’accéder à leur boîte noire et de mieux comprendre ces lecteurs. Autrement, le moment de lecture autonome de mes élèves me permet de soutenir l’apprentissage en travaillant certaines stratégies en sous-groupe, d’accompagner un club de lecteurs ou de réaliser des entrevues de lecture plus spontanées. Ces observations spontanées sont aussi des preuves de la compétence à lire des élèves. 

Que font les autres élèves pendant ce temps?

Pendant les entretiens de lecture, les autres élèves… lisent, tout simplement! Avec les petits, puisque leur attention est moins longue, on peut scinder la période en trois temps. On invite alors les jeunes lecteurs à s’installer tout près de leur partenaire de lecture, sinon dos à dos. Ils lisent seuls une dizaine de minutes, se retournent à un signal sonore déterminé pour lire à deux une autre dizaine de minutes et lisent un dernier cinq minutes seul. Ainsi, on gagne du temps pour réaliser nos entretiens de lecture. Bien sûr, les élèves peuvent aussi être en travail autonome : centres de littératie, plan de travail, écriture, etc. L’important, c’est d’instaurer un climat de classe propice à organiser ces précieuses rencontres auprès des lecteurs de votre classe.

Comment choisir les livres pour les entretiens de lecture?

Puisque l’intention derrière les entretiens est d’aller à la rencontre du lecteur, on ne cherche pas seulement à vérifier la compréhension. Le choix des œuvres est donc important. Un album trop difficile pour l’élève ne lui permettrait pas de réagir aisément, alors qu’un album trop facile lui offrirait peu d’occasions de démontrer sa compétence. Je recherche généralement un album riche qui présente un défi raisonnable pour l’élève. Ceux proposés doivent amener les lecteurs à réfléchir, à réagir, à interpréter certains trous laissés par l’auteur et à faire des inférences. Dans tous les cas, les albums choisis doivent vous paraître intéressants pour les lecteurs de votre classe et ne pas être trop longs à lire.

Catherine Boissy
Enseignante au primaire

Un peu plus sur l'autrice

Diplômée de l’UQAM, Catherine enseigne au 1er cycle du primaire depuis 2013. Elle a complété sa formation initiale avec un DESS en didactique du français et des instituts en lecture au Teachers College de l’université Columbia. Avec l’équipe de J’enseigne avec la littérature jeunesse, elle a coécrit l’ouvrage Demain, j’enseigne avec la littérature jeunesse paru chez Chenelière, elle a publié plusieurs articles sur le blogue et animé de nombreuses formations.

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