Ma classe flexible répond-elle aux besoins de tous mes élèves ?
Introduction
Différencier, inclure, cerner les besoins individualisés des élèves : ce sont des intentions louables et ambitieuses ! Elles naissent de notre besoin comme enseignants à mieux répondre aux besoins de nos élèves qui doivent bouger davantage, manipuler pour apprendre, travailler en collaboration, faire des choix de tâches selon leur rythme, se sentir en sécurité et dans le confort, revoir des notions en sous-groupes ou de façon individuelle, etc. Quelles sont les dispositions physiques et les approches pédagogiques qui augmenteront les chances de faire mouche ? Téléchargez ce formulaire pour analyser votre propre aménagement.
La beauté qui rend heureux : aménager judicieusement sa classe
Il est vrai que la beauté d’un lieu ne laisse pas indifférent. L’aménagement physique, le choix du mobilier et la décoration de la classe contribuent à instaurer un climat de travail stimulant. Mais au-delà de la beauté physique, l’aménagement flexible vise à créer un espace scolaire convivial, confortable et sécurisant. Assurez-vous d’offrir aux élèves du mobilier et du matériel varié ainsi que plusieurs options d’assises. Puisque les élèves sont de taille différente, il faut prévoir du mobilier de grandeurs différentes qui respectent les principes d’un bon positionnement assis. Cela permet de prévenir les douleurs et les mauvaises habitudes posturales, comme l’indique Valérie Kempa dans cette capsule portant sur l’aménagement flexible.
Pour un aménagement flexible, voici des suggestions de mobilier :
Le système vestibulaire est relié à l’équilibre, ces tabourets permettent de se réguler, de maintenir un niveau d’éveil et d’attention chez l’élève.
C'est un mobilier parfait pour le travail en sous-groupes de besoins ou le travail collaboratif.
Une table haute peut également être substituée par un rebord de fenêtre ou le dessus d’un meuble en classe.
Les élèves, n’ayant pas de place fixe et pupitre, devront ranger leur matériel dans ces étagères et accrocher leurs sacs pour une circulation fluide en classe.
Certains élèves adhèrent davantage à un aménagement dit traditionnel.
En plus d’offrir des options aux élèves, cela permet de normaliser le travail dans des endroits non traditionnels.
Elles favorisent les activités nécessitant un appui stable pour l’écriture dans certaines assises.
De plus, il est important d’avoir plus de places offertes que le nombre d’élèves. Par exemple, pour un groupe de 22 élèves, assurez-vous d’offrir au moins une trentaine d’assises. Les changements de places se font ainsi plus en douceur, sans conflits. De plus, l’enseignant déniche plus facilement un siège auprès d’un élève ou d’un groupe lors des moments d’accompagnements.
Le bon positionnement assis
La liberté de la classe flexible : quand le vivre-ensemble prend toute son importance
La classe flexible permet de faire des choix, mais pas sans jugement, sans réflexion. L’élève peut choisir son assise et son espace de travail selon ses propres besoins, il peut également choisir de travailler seul ou en équipe, assis, debout ou couché, être en mouvement ou statique. Mais comment faire pour amener l’élève à faire les bons choix ? Il faut modéliser, répéter, modéliser, répéter ! Enseigner explicitement l’utilisation du mobilier en ayant à l’esprit les bonnes habitudes posturales. Un enseignement incontournable est la « question des 5 C » : est-ce que mon choix de place répond aux 5 C ?
confort
concentration
calme
comportement et collaboration
calligraphie
Source: Carolyne Mainville, ergothérapeute. Tiré de Josiane Caron Santha, ergothérapeute.
Il est également essentiel d’établir des règles de fonctionnement de classe, règles établies lors de conseils de coopération afin que les élèves émettent leur opinion et partagent leurs idées : ce qu’ils aiment moins, les défis soulevés et les solutions apportées. Sur une note positive, allez-y de félicitations et de remerciements. Les élèves se sentiront davantage impliqués, baisseront les barrières de la gêne, développeront leur confiance en soi, leur tolérance et leur ouverture. Par exemple, les élèves peuvent se questionner sur les moments possibles pour changer de place : pendant une activité, après la récréation, à toutes les 20 minutes.
D’une année scolaire à l’autre, vos groupes peuvent orienter différemment leur régie interne. Les élèves ayant des besoins particuliers, comme un élève ayant un trouble du spectre de l’autisme, pourraient souhaiter conserver un espace bien à lui, un pupitre ou une table. On en discute en grand groupe et on en profite pour discuter de la différence.
N’oubliez pas qu’il faut accorder aux élèves le temps de découvrir et d’explorer la classe flexible. Ils doivent essayer les différentes positions, choisir le mobilier et l’espace qui répond le mieux à leur régulation sensorielle, apprendre à reconnaître leurs besoins selon les tâches assignées, apprécier les moments pendant lesquels ils peuvent être actifs et les utiliser à bon escient.
Empêcher le désordre et le chaos : exploiter adéquatement le matériel et l’environnement
Dans une classe, il y a beaucoup de matériel, d’articles scolaires, de livres, etc. Le désordre et le chaos peuvent s’y installer facilement et rapidement créant ainsi un environnement peu propice à l’apprentissage. Voyez comment organiser cet espace afin que l’ordre et l’harmonie règnent.
Dans une classe flexible, il ne faut surtout pas sous-estimer l’importance de l’organisation et du rangement. Les élèves n’ayant pas de pupitre pour leur rangement individuel, il faut leur réserver un espace de type casier dans lequel ils peuvent entreposer cahiers, duo-tangs, étuis, livres de lecture. Selon le niveau scolaire, des titulaires et spécialistes choisissent plutôt de regrouper tout le matériel dans des étagères ou des bacs communs. Les sacs à dos doivent demeurer au vestiaire ou encore être suspendus à des crochets installés dans le bas d’un mur à l’intérieur de la classe. Il faut garder à l’esprit que l’espace gagné en utilisant des assises et surfaces de travail de type flexible doit permettre de désencombrer la classe et ainsi faciliter les déplacements, les mouvements lors de pauses actives et le déménagement rapide du mobilier modulable.
Il peut être intéressant également d’établir des zones dans la classe :
le coin de rassemblement,
l’espace en îlots pour travailler en sous-groupes,
la zone du matériel de manipulation,
le coin jardin avec tapis vert et coussin,
la zone travail au mur,
la grotte (espace fermé qui permet à l’élève de se recentrer),
etc.
Il ne faut pas se gêner de modifier ces zones selon les besoins des élèves. Demandez-leur de se prononcer, de livrer leurs opinions et idées. Les élèves TDAH et tous ceux ayant avantage à travailler debout ou en mouvement apprécieront fortement les stations hautes. Les élèves ayant besoin de transformer des idées abstraites en idées concrètes doivent avoir accès facilement au matériel de manipulation. Réfléchir à l’organisation de sa classe et en expliquer le fonctionnement et les règles permettent aux élèves d’être en mouvement et de réguler leur niveau d’éveil sensoriel sans produire le chaos.
Qu’en est-il de l’affichage ? La projection du plan du jour dès l’entrée le matin permet aux élèves de se faire une tête du matériel nécessaire et des tâches à venir ; ils peuvent déjà préparer le matériel nécessaire et réfléchir aux endroits qui leur permettront de donner leur maximum. Pour ce qui est des ressources visuelles, affiches et autres éléments de décoration, la tendance est au minimum de stimuli. Il est préférable d’enseigner aux élèves à utiliser leurs propres ressources-outils que d’afficher en permanence une énorme quantité d’éléments visuels.
Comment la classe flexible permet-elle d’enrichir mes pratiques pédagogiques ?
Par la force des choses, et un vent de changement de posture pédagogique, l’aménagement flexible ouvre la voie à un changement de pratiques pédagogiques.
Diminuer le temps consacré à l’enseignement magistral afin d’augmenter les périodes consacrées aux projets, ateliers et autres tâches concrètes est rendu possible par la classe inversée : l’élève fait son étude préparatoire à la maison, en amont.
Le coenseignement et le décloisonnement ajoutent également une plus-value à nos pratiques pédagogiques, ainsi que l’accompagnement en sous-groupes de besoins ou en individuel.
Le mode plan de travail se gère très bien en aménagement flexible, d’autant plus que cette approche permet de développer l’autonomie et le jugement chez les élèves.
L’apprentissage par le mouvement, l’ajout de pauses actives comme outil de gestion de classe et la création d’une zone de manipulation représentent également des moyens de diversifier nos pratiques.
En résumé, l’aménagement flexible et la pédagogie qui en découle permettent de gérer l’hétérogénéité chez nos élèves et de différencier nos méthodes d’enseignement et d’accompagnement plus efficacement.
L’aménagement flexible hors des murs : le prolongement du flexible à l’infini !
Collègues, soyons réalistes et bienveillants envers nous-mêmes : c’est par une approche à petits pas que nous pourrons enrichir nos pratiques pédagogiques en aménagement flexible au fil des ans. Parlons-en à des collègues, développons des communautés de pratiques, partageons nos idées, nos projets et nos défis. Soyons créatifs pour le plus grand bonheur de tous ! Et pourquoi ne pas prolonger l’aménagement flexible en dehors des murs de sa classe et de l’école : dans une classe extérieure, au parc, dans d’autres espaces publics ? La pédagogie en aménagement flexible constitue une approche pédagogique qui transforme les espaces d’apprentissages en lieux inclusifs pour soutenir la réussite de tous les élèves.
Ressources pour aller plus loin
Revue Didactique, Apprentissage et enseignement, Numéro thématique « Didactique et pédagogie en aménagement flexible », Jonathan Bluteau coordonnateur, Volume 3, Numéro 1 (2022), ISSN 2563-2159.
Revue Vive le primaire, automne 2021, Vol. 34, #3.
Guide Les premiers pas en aménagement flexible, présenté par Manutan Collectivités et Classe de demain, déposé à l’INPI, mars 2019
Un peu plus sur l'autrice
Chantale Fortin est enseignante au primaire. Au fil du temps, elle a modifié l’organisation de ses locaux afin de répondre aux besoins variés de ses élèves. C’est tout naturellement que l’aménagement flexible a fait son apparition dans sa classe pour son plus grand bonheur et celui de ses élèves. C’est ainsi que ses pratiques pédagogiques ont pris un virage plus innovant, ciblant entre autres la collaboration, le coenseignement, le décloisonnement, la classe inversée, la différenciation, la gestion par les pauses actives, l’apprentissage par le mouvement et la manipulation. Son leitmotiv : avoir confiance en son jugement professionnel et ne pas avoir peur d’innover !