La classe collabo-réflexive mise en pratique, ça donne quoi?
Introduction
Il y a un an déjà, inspirées par Peter Liljedahl et sa classe collabo-réflexive lors d’une conférence, nous avons décidé de changer nos pratiques d’enseignement et de mettre en place le coenseignement dans nos 4 groupes de première secondaire en mathématique. Travaillant en milieu défavorisé sur la Côte-Nord, nous voulions trouver un moyen de favoriser la motivation et l’engagement chez nos élèves. Nous avons décidé d’allier nos forces d’orthopédagogue et d’enseignante en mathématique au secondaire en travaillant ensemble grâce au soutien de notre direction. Pour plus d’informations sur ce qu’est la classe collabo-réflexive, consultez l’article à ce sujet.
Notre premier pas : organiser l’espace classe
Ayant participé au congrès du GRMS en 2022, nous avons commencé l’année scolaire 2023 la tête pleine d’idées de grandeur en lien avec l’enseignement autrement et, principalement, la classe collabo-réflexive (CCR). Dès le début de l’année scolaire, nous avons donné le ton pour la suite de l’année en installant des tableaux blancs effaçables sur les murs, en remodelant la classe en ilots de travail et en plaçant nos bureaux derrière la classe. Notre but était de remodeler la classe pour s’éloigner de la classe « ordinaire », pour la rendre invitante et surtout pour en faire un endroit stimulant.
Notre second pas : préparer les élèves aux approches de la CCR
Afin de faire connaissance avec nos élèves et de sensibiliser ceux-ci à travailler en équipe, nous avons préparé des problèmes réflexifs qui n’étaient pas en lien avec les mathématiques (Logique et formons des carrés). Cela leur a permis de se familiariser avec la classe collabo-réflexive en expérimentant des tâches où la réflexion mathématique est moins grande. Il était alors plus facile de se concentrer sur les règles de fonctionnement de cette pratique : la forme plus que le contenu. Dès le départ, nous avons créé des équipes aléatoires à l’aide de cartes à jouer.
À la suite de cela, nous avons pu intégrer des problèmes réflexifs plus complexes comme :
Open Middle
Oops I Forgot, traduit librement par « Oups, on a oublié! »
Que choisirais-tu? et autres discussions mathématiques
Ces problèmes ont été trouvés sur les sites proposés plus bas ainsi que lors de formations. Nous essayons généralement de faire une activité ou plus par cours pour favoriser la réflexion des élèves.
Vous aimeriez vous lancer? Voici quelques conseils!
Certains problèmes du cahier d’exercices acheté par les élèves peuvent être utilisés afin d’alléger la planification et la préparation des cours. Souvent, le fait de changer le contenant en gardant le même contenu suffit pour augmenter l’engagement et la motivation. C’est notamment Kaven McCarty et son atelier « Alibaba et les 40 larcins pédagogiques » présenté au GRMS qui nous a inspirées. Nous prenons, par exemple, des problèmes que nous aurions faits dans un cahier et créons des cartes à tâches que nous donnons une à la fois aux équipes.
Lorsque les élèves travaillent sur les tableaux au mur, il est facile de les questionner afin de valider leur compréhension, mais également de voir leur raisonnement, peu importe leur emplacement dans la classe. C’est un excellent moment pour faire des observations rapidement. Nous utilisons personnellement la liste d’élèves avec les notions travaillées où un code de couleur permet de garder des traces.
Les élèves sont parfois tentés de s’assoir face au tableau blanc. Il faut les encourager à se lever puisqu’ils seront alors beaucoup plus engagés dans la tâche.
Il existe plusieurs groupes de partage sur les réseaux sociaux en lien avec la classe collabo-réflexive. C’est une vraie mine d’or pour trouver des idées de tâches et pour échanger. Nous y avons entre autres découvert l’activité « Capture the flag » qui est un succès auprès des élèves et s’adapte à de nombreuses notions.
La classe collabo-réflexive est idéale pour cette pratique pédagogique. Il ne faut pas hésiter à se lancer! Les élèves sont heureux de relever un défi et de résoudre un problème, alors qu’ils n’ont pas nécessairement vu toutes les notions s’y rattachant. Nous remarquons qu’ils cherchent dans leurs anciennes notes de cours, se questionnent et échangent davantage au lieu de résoudre selon une « technique » apprise sans vraiment y réfléchir.
Il serait impensable de mettre en pratique les 14 principes de Peter Liljedahl d’un coup. Des relectures et discussions avec nos conseillères pédagogiques permettent de nous questionner régulièrement pour nous donner des pistes d’amélioration par rapport à notre pratique. Par contre, implanter des principes (1-2-3-4) dès le début de l’année scolaire a été efficace pour nous et a permis de commencer l’année sur des principes solides qui mettaient la table pour la suite de l’année.
Les défis
Comme dans tout changement de pratique, certains défis peuvent survenir.
Les réticences des collègues
Certains collègues pourraient présenter des réticences au sujet de nouvelles méthodes d’enseignement qui sortent du traditionnel papier-crayon individuel. Tentez de leur démontrer les bienfaits de ces changements et assurez-vous d’avoir le soutien de la part de la direction qui saura offrir les ressources nécessaires en fonction des besoins. Pour nous, le fait d’avoir travaillé notre tâche afin d’être 2 en classe à 100 % est considérable comme avantage obtenu grâce au soutien de la direction.
Des élèves réfractaires
Quelques élèves se montrent parfois réfractaires au travail d’équipe. Nous leur proposons alors de travailler seuls sur un tableau, mais cela est plutôt rare. Ils représentent environ 3 % de nos élèves.
Les formations d’équipes
Lors de la création des équipes, il arrivait que certains tentent d’échanger leur carte à jouer avec d’autres afin d’être placés avec leurs amis. Si cela se produit, nous croyons qu’il est important d’expliquer aux élèves les raisons pour lesquelles nous choisissons de faire des équipes aléatoires. Nous utilisons parfois des bâtonnets identifiés par les noms d’élèves, mais le fait de nommer les équipes à voix haute peut amener des commentaires. Après quelques semaines à former des équipes aléatoires, nous n’avons plus observé de problèmes lors de la formation d’équipes.
Le questionnement, un art
Notre lecture du chapitre 5 du livre La classe collabo-réflexive nous a fait remettre en question la rétroaction que nous donnions à nos élèves lors des problèmes réflexifs. L’auteur offre de belles solutions qui permettent d’éviter de donner la réponse aux élèves ou de les pister. Ceux-ci doivent réfléchir avec leurs pairs. Apprendre à ne pas trop aider les élèves peut être un défi et nous sommes encore en apprentissage à ce sujet. Plusieurs élèves plus hésitants posent une question à laquelle ils seraient déjà capables de répondre.
Prochaines étapes et pistes d'amélioration
Nul ne sait ce que l’avenir nous réserve, mais nous espérons poursuivre notre pratique collabo-réflexive.
L’évaluation : Nous travaillons actuellement en collaboration avec des conseillères pédagogiques dans notre milieu afin de diversifier notre façon d’évaluer (courtes C1, Menu math, causeries, entrevues…). Certaines conférences du GRMS nous ont aussi inspirées à évaluer les élèves autrement, notamment grâce au publipostage.
Les notes de cours : Comme le propose l’auteur du livre La classe collabo-réflexive, nous aimerions apporter des changements à la prise de notes en classe afin de rendre nos élèves plus autonomes. Notre but est que les notes de cours soient plus significatives pour les élèves afin que cela devienne un outil supplémentaire pour leur réussite. Pour le moment, certains élèves ne les utilisent pas ou très peu. Nous avons, cette année, allégé les notes et fonctionnons beaucoup avec des exemples. Par contre, même si nous encourageons les élèves à personnaliser le contenu de leurs notes, cela reste une pratique difficile et nouvelle pour eux.
Les devoirs : Les devoirs sont un éternel débat dans les milieux scolaires. Le 7e principe concernant les devoirs nous fait aussi beaucoup réfléchir. Les statistiques qui y sont présentées sont étonnantes et nous encouragent à adopter les pratiques proposées. Les devoirs sont vus d’une façon plutôt négative par nos jeunes et nous croyons que les questions de vérification de la compréhension pourraient changer leur perception. Adopter ce principe pourrait, selon nous, les encourager à développer leur autonomie et leur engagement dans leurs apprentissages.
Conclusion
Tout compte fait, après presque un an de pratique collabo-réflexive, nous remarquons une augmentation de la motivation chez nos jeunes, et ce, qu’ils aient de la facilité ou non en mathématiques. Le plaisir de faire des maths est plus grand, l’ambiance n’en est que meilleure. Lorsqu’il est temps de ranger, il n’est pas rare d’entendre les élèves s’exclamer : « Déjà?! » Même nos élèves en reprise d’année peuvent être difficiles à arrêter lorsqu’ils sont en résolution de problèmes sur les surfaces verticales.
Cette ambiance nous affecte aussi positivement en tant qu’enseignantes. Les élèves se sentent plus compétents et bien en classe, ce qui a des impacts importants sur la relation que nous avons avec chacun d’entre eux… Faites place à l’erreur, à la collaboration et au plaisir dans votre classe et tout le monde en ressortira grandi!
Pour aller plus loin
Liljedahl, P. (2023). La classe collabo-réflexive en mathématiques, Chenelière Éducation, 296 p.
Liljedahl, P. (2023). La classe collabo-réflexive en mathématiques, Chenelière Éducation, 296 p.
Un peu plus sur les autrices
Originaire du grand Montréal, Jacynthe Bélanger a fait le baccalauréat en éducation préscolaire et enseignement primaire, puis la maitrise en éducation, option orthopédagogie à l’Université de Montréal. Après ses études, elle a fait le saut pour la région où, après avoir pratiqué au primaire et dans un centre jeunesse, c’est le milieu du secondaire qui, contre toute attente, l’a conquise. On peut la croiser en randonnée ou en paddle sur le fleuve alors qu’elle réfléchit à de nouvelles idées pédagogiques.
Native de Baie-Comeau, Maude Tremblay a fait un retour en région à la suite de ses études au baccalauréat en enseignement secondaire – profil mathématique à l’Université du Québec à Chicoutimi. Elle enseigne les mathématiques depuis près de 8 ans. Sa préférence pour le premier cycle du secondaire lui permet de faire ressortir son côté ludique et de mettre sa créativité à profit dans les diverses activités qu’elle propose à ses élèves.