L’éducation en plein air au primaire : les bienfaits d’enseigner dehors avec nos élèves
Introduction
Est-ce que nos élèves doivent obligatoirement être assis entre quatre murs pour apprendre? La salle de classe, aussi jolie, accueillante, bien éclairée et soigneusement aménagée qu’elle peut l'être, est-elle le seul endroit où les élèves peuvent réaliser des apprentissages? Découvrez comment la cour de récréation, le parc d’à côté, le boisé du quartier ou même les ruelles avoisinantes offrent des occasions d’apprentissage enrichissantes pour tous les élèves : défis d’apprentissage ou non!
L’éducation en plein air
L’éducation en plein air fait référence aux activités d’enseignement qui ont lieu hors des murs de la classe et qui ont pour objectif d’aider les élèves à réaliser différents apprentissages par des activités qui s’ancrent dans l’espace extérieur, lequel devient alors un outil pédagogique. (Ayotte-Beaudet et coll., 2022) Que votre école soit située en plein cœur d’une région métropolitaine ou voisine d’un immense champ, vous avez l’occasion d’expérimenter l’éducation en plein air dès que vous mettez le pied dehors! Le ruisseau, la ruelle ou le parc municipal sont des lieux riches dans lesquels les élèves peuvent contextualiser leurs apprentissages et se questionner. Tout comme pour les activités vécues à l’intérieur de la classe, l’enseignant a une intention pédagogique en tête lorsqu’il va dehors avec ses élèves; c’est primordial. Il y a une différence entre aller dans la cour extérieure pour y jouer avec ses élèves et l’utiliser à des fins d’apprentissage.
L’éducation par le plein air, c’est donc :
Utiliser différents milieux (naturels ou urbains) pour y vivre des séquences d’apprentissage;
Offrir des activités pédagogiques qui s’ancrent dans l’espace extérieur;
Être en contact avec un environnement pédagogique vivant et inspirant;
Favoriser les interactions entre les élèves et leur milieu;
Faire vivre le programme éducatif aux élèves autrement!
(Robertson, 2014)
Les bienfaits de l’éducation en plein air
L’éducation en plein air offre de nombreux bienfaits pour l’ensemble des élèves, défis d’apprentissage ou non.
Motivation, plaisir et engagement
Pour bien des élèves, aller dehors est une source de motivation. Des recherches mettent en évidence les effets positifs de la nature sur l’humeur d’un individu (Skinner et Chi, 2014). De plus, les espaces extérieurs offrent la chance de bouger librement, d’explorer, de cultiver sa curiosité et de développer sa créativité. Ces éléments engendrent une motivation intrinsèque accrue chez les élèves, ce qui peut contribuer à augmenter leur intérêt envers les apprentissages en cours, l’école en général ainsi que leur désir d’apprendre (Becker et coll., 2017).
Effets positifs sur l’attention des élèves
L’éducation en plein air amène différents effets positifs sur l’attention des élèves.
Comme le développement des fonctions exécutives se poursuit jusqu’au début de l’âge adulte, il est normal que les enfants puissent éprouver de la difficulté à maintenir une attention soutenue sur une tâche plus longue. Lorsque le cerveau se fatigue, le niveau d’attention diminue en parallèle, car les efforts mentaux épuisent nos ressources attentionnelles. Pour contrer cette fatigue et pour soutenir le maintien de l’attention, il est recommandé de prendre des pauses cognitives. En d’autres termes, il est important d’offrir de petits moments de repos à tous vos élèves pour permettre à leur cerveau de se « recharger ».
Les milieux extérieurs sont des endroits fascinants et riches en stimuli sur lesquels diriger notre attention, presque automatiquement. En effet, à l’extérieur, l’attention est généralement attirée par ces stimuli et elle est maintenue sans effort, ce qui favorise la restauration attentionnelle (Marois, 2020). Écouter le bruit du vent ou le chant des oiseaux, observer les insectes dans la cour ou sur le trottoir du quartier, regarder les arbres ou les passants sont des activités qui sollicitent peu de ressources cognitives, ce qui permet au cerveau de se ressourcer (Mason et coll., 2022, Dadvand et coll., 2015, Berto, 2005).
Aussi, lorsqu’on intègre l’éducation en plein air à son enseignement, les situations d’apprentissage se voient transformées. On délaisse l’enseignement magistral pour se tourner vers des activités qui placent les élèves au centre de leurs apprentissages. Ceux-ci sont actifs, engagés et leurs questionnements font cheminer leurs réflexions. Ils vivent des expériences, tentent de résoudre des problématiques et vivent des projets. Ils sont davantage en mouvement et n’ont pas la contrainte de demeurer assis sur leur chaise en classe. Cette notion de mobilité aide au maintien de leur attention, car les élèves ne sont pas seulement engagés cognitivement : ils le sont aussi physiquement. Ils vivent l’activité, ils ne sont pas seulement des témoins.
Se réaliser autrement
Pour les élèves avec des défis d’apprentissage, l’école n’est pas toujours de tout repos. Souvent, les évaluations et les bulletins font surtout état des réussites et des difficultés associées aux tâches scolaires. On voit une note ou une cote, pas tous les efforts qui ont été fournis. On ne voit pas non plus toutes leurs aptitudes hors du monde scolaire. C’est difficile d’y voir le véritable portrait des élèves!
Lorsqu’on tend à s’éloigner du cadre habituel et que l’on se tourne vers des tâches concrètes, on offre, aux élèves, la possibilité de mettre en pratique d’autres habiletés. Réussir des défis dans un contexte différent de la salle de classe traditionnelle peut contribuer à améliorer leur estime de soi.
Justin, qui peine à écrire correctement ses mots de vocabulaire, peut enfin montrer à tous qu’il est un champion de l’orientation. Il fait preuve de leadership au sein de son équipe lors de l’activité de marche pédagogique, il guide ses pairs et partage ses stratégies avec eux. Malia, qui parvient rarement à terminer ses résolutions de problèmes toute seule, aide les autres à identifier certains éléments de la faune et la flore. Lorenzo, qui n’ose jamais lever la main en classe, surprend tout le monde par ses interventions. Le fait d’être hors du contexte habituel de la classe l’apaise, il ressent moins la pression de devoir dire LA bonne réponse.
Réduire le stress
De plus en plus d’élèves composent quotidiennement avec le stress et l’anxiété. Les contacts avec la nature permettent de réduire ces symptômes. Lorsque l’on vit un stress, cela se traduit physiquement par une augmentation du taux de cortisol, de la tension artérielle et du rythme cardiaque. Après un moment en contact avec la nature, on dénote une réduction des éléments mentionnés plus haut (MEQ, 2017). Les espaces extérieurs sont généralement associés à des sentiments positifs dans l’ensemble de la population québécoise. Y être en contact aide à induire des émotions de la même lignée et à limiter l’apparition de pensées négatives.
L’éducation en plein air offre plusieurs occasions d’apprentissage, mais aussi la chance de se connecter à la nature, de socialiser davantage avec ses pairs de classe en plus de s’engager dans des activités où ils n’ont pas à rester immobiles. Ces éléments ont un impact positif sur l’humeur des élèves et peuvent aider à réduire les symptômes de stress et d’anxiété (Coventry et coll., 2021).
Faciliter le transfert des connaissances
L’éducation en plein air aide également les élèves dans leurs habiletés à transférer les connaissances acquises à d’autres situations de la vie réelle (Becker et coll., 2017). Le contexte authentique et concret facilite la compréhension des élèves de la matière et les aide à relier leurs connaissances à des éléments du monde réel. Les apprentissages vécus en plein air permettent aux élèves de vivre des expériences concrètes et tangibles. Pour les élèves en difficulté, cette approche peut favoriser une meilleure compréhension des concepts abstraits en les rendant plus concrets et accessibles.
Vous trouverez dans la prochaine section des idées d’activités pédagogiques à intégrer dans votre enseignement.
Dans la pratique
Vous pouvez séparer vos élèves en îlots au sein de la classe, mais il est possible de vivre cette activité à l’extérieur, où ils échangeront à propos du livre lu. En fonction de l’ouvrage utilisé en classe, les élèves pourraient discuter et faire des liens entre ce dernier et l’espace extérieur dans lequel ils se trouvent. Les élèves pourraient comparer leur réalité à celle de l’un des personnages du livre en explorant un milieu qui fait partie de leur quotidien. Si la thématique s’y prête, certains éléments pourraient être analysés. Il existe de nombreux albums jeunesse mettant en lumière l’environnement. Votre école est en pleine région métropolitaine? Il existe aussi une multitude d’albums mettant en valeur la ville. La bibliothécaire de votre école peut certainement vous aider à dénicher de vraies perles, comme celle-ci.
Les élèves sont en interaction avec l’environnement naturel de leur quartier. Ils s’en inspirent et utilisent différents repères pour élaborer la tâche directement liée à leurs découvertes! Quels bâtiments avons-nous croisés? Quels noms de rue avons-nous lus? Quelles rues sont perpendiculaires? Lesquelles sont parallèles? Au-delà du plan à élaborer, vous pouvez aussi laisser les apprentissages se vivre par les ressources du milieu et par les questions des élèves. Tout est propice aux apprentissages : la faune et la flore que vous croiserez, les numéros pairs ou impairs des maisons, les types de nuages dans le ciel, les insectes qui viendront chatouiller vos oreilles, les angles à découvrir dans les bâtiments ou les arbres…
Certaines rues portent le nom de personnages historiques. Partez à leur découverte avec vos élèves! Par exemple, la rue De Buade fut nommée en l’honneur de qui? Le comte de Frontenac, le gouverneur général de la Nouvelle-France! C’est parti pour une petite leçon d’histoire à propos de la Nouvelle-France et sa société!
On utilise concrètement le milieu pour y réaliser l’activité pédagogique avec des manipulations. Grâce à une collection de roches, de branches ou d’autres éléments naturels, on demande aux élèves de représenter ou de lire des fractions ou des nombres. Les élèves sont amplement capables de briser une branche pour la séparer en plusieurs parties!
Avec vos élèves, vous pouvez explorer la cour d’école pour y trouver de nouveaux mots à apprendre ou à orthographier. En utilisant les objets ou les éléments naturels trouvés par les élèves, enseignez comment les écrire. Il est aussi possible de représenter les lettres à l’étude grâce à des branches ou des feuilles. De cette façon, les élèves s’engagent de façon cognitive et physique, ce qui peut aider au maintien de leur attention. Selon la liste orthographique ou la thématique mise de l’avant en classe, vous pouvez vivre cette activité dans un milieu où les élèves peuvent faire des liens, utiliser les mots en question et approfondir leur compréhension de la signification de leur sens!
Des idées plein air à l’école
Une infographie pour vous inspirer : ici!
Rappelez-vous, l’éducation en plein air, c’est l’occasion de faire vivre une expérience d’apprentissage vivante et signifiante à vos élèves. Vous n’avez pas nécessairement besoin d’une classe extérieure entièrement aménagée pour le faire. L’environnement extérieur est un prétexte pour exploiter différentes approches pédagogiques, une occasion pour vos élèves de contextualiser leurs apprentissages dans un milieu qui fait partie de leur quotidien.
Merci à la Chaire de recherche sur l’éducation en plein air de l'Université de Sherbrooke de leur appui pour la rédaction de cet article.
Ressources pour aller plus loin
Ayotte-Beaudet, J.-P., Berrigan, F. et Vinuesa, V. (2022). Pratiques enseignantes en plein air au Québec : au-delà de la pandémie de COVID-19. Université de Sherbrooke.
CAPRES. (2021). Les bienfaits d’enseigner et d’apprendre en plein air.
Dadvand, P., Nieuwenhuijsen, MJ., Esnaola, M., Forns, J., Basagaña, X., Alvarez-Pedrerol, M., Rivas, I., López-Vicente, M., De Castro Pascual, M., Su, J., Jerrett, M., Querol, X. et Sunyer, J. (2015). Green spaces and cognitive development in primary schoolchildren. Proceedings of the National Academy of Sciences, USA, 112(26), 7937-42.
Becker, C., Lauterbach, G., Spengler, S., Dettweiler, U. et Mess, F. (2017). Effects of Regular Classes in Outdoor Education Settings: A Systematic Review on Students’ Learning, Social and Health Dimensions. International Journal of Environmental Research and Public Health, 14(5), 485.
Berto, R. (2005). Exposure to restorative environments helps restore attentional capacity. Journal of Environmental Psychology, 25(3), 249-259.
Mason, L., Ronconi, A., Scrimin, S. et coll. (2022). Short-Term Exposure to Nature and Benefits for Students’ Cognitive Performance: a Review. Educ Psychol Rev 34, 609–64.
Marois, A. (2020). Restauration cognitive par la nature : vers une intégration dans les milieux professionnels et scolaires. Revue québécoise de psychologie, 41(3), 53–74.
Ulrich, R. S. (1983). Aesthetic and Affective Response to Natural Environment. Behavior and the Natural Environment, Plenum Press, p. 85-125.
Bratman, G. N., Hamilton, J. P. et coll. (2015). Nature Experience Reduces Rumination and Subgenual Prefrontal Cortex Activation. Proceedings of the National Academy of Sciences, 112(28), p. 8567-8572.
Coventry, P. A., Brown, J. E., Pervin, J., Brabyn, S., Pateman, R., Breedvelt, J., Gilbody, S., Stancliffe, R., McEachan, R. et White, P. L. (2021). Nature-based outdoor activities for mental and physical health: Systematic review and meta-analysis. SSM - population health, 16, 100934.
Skinner, E. A. et Chi, U. (2014). Intrinsic motivation and engagement as “active ingredients” in garden-based education: examining models and measures derived from self-determination theory. J. Environ, Educ, 43, 16–36.
Robertson, J. (2014). Dirty Teaching: A Beginner’s Guide to Learning Outdoors. Crown House Publishing - Uk.