« Du découragement? »
Inès est assise à la petite table du salon, son cahier posé devant elle. Comme c’est souvent le cas pendant les devoirs, ses sourcils sont froncés. Elle semble très concentrée, mais je décèle autre chose dans son attitude. Du découragement ?
Avec l’entrée au secondaire un de mon fils Assad, qui a des difficultés d’apprentissage, je me sens parfois un peu dépassée.
Je laisse mon aîné à son devoir de sciences pour m’approcher d’Inès.
— Ça va, ma chouette ?
— Je ne comprends pas ce problème, me dit-elle sans lever les yeux de son cahier.

— Veux-tu me le lire ?
— Au subermarché, il y a 3… 300… 360 pommes dans le ra…on…yon des f…ru…its et légumes. Un peu plus tard, il en re…reste 100… 120… 128. Com…bien de pommes le ma…gasin a-t-il ven…dues ?
— Est-ce que tu peux me redire le problème, mais sans regarder ta feuille, avec tes mots à toi ?
Inès hausse les épaules.
— Je sais pas…
Ses yeux se remplissent de larmes. Je la prends dans mes bras pour la consoler, mais je me sens tellement impuissante. Son père et moi avons rendez-vous avec son enseignante dans deux jours. Je ressens l’urgence d’agir. J’ai vraiment hâte à cette rencontre.
Mes alliés!
Les familles comme celle de Médina sont nombreuses à se demander quoi faire face aux difficultés de leurs enfants. Heureusement, elles ne sont pas seules.
• Milieu scolaire
Le corps enseignant représente le premier allié dans cette démarche. N’hésitez pas à
le contacter : il connaît les forces et les besoins de votre enfant. D’ailleurs, il travaille en étroite collaboration avec l’orthopédagogue de l’école, ce qui lui permet d’étudier en profondeur les difficultés rencontrées par votre enfant.
Les techniciennes et les techniciens en éducation spécialisée travaillent en périphérie au sein de l’école. Ils peuvent aider votre enfant à mieux vivre avec leur trouble d’apprentissage et à développer des stratégies de travail en fonction de leurs mesures d’adaptation en classe.
• Professionnels
Les orthopédagogues sont des acteurs clés pour l’apprentissage de votre enfant. En lecture et en écriture, leur rôle est d’identifier les difficultés spécifiques et ensuite d’intervenir. De plus, ils peuvent vous fournir de précieux conseils quant aux stratégies à adopter à la maison avec votre enfant.
Les orthophonistes sont, pour leur part, chargés de l’évaluation et de l’intervention des habiletés langagières tant à l’oral qu’à l’écrit. Ils peuvent poser le diagnostic de dyslexie-dysorthographie. En ce sens, le travail des orthophonistes guide et complète celui des orthopédagogues.
Mon plan de match
Pour répondre à vos inquiétudes sur les habiletés en lecture et en écriture de votre enfant, nous vous conseillons de déterminer si les comportements sont préoccupants. Le guide pratique d’observation de l’enfant vous permettra de juger de la pertinence d’agir.
Lorsque vous aurez déterminé si les signes décrits s’apparentent à la situation de votre enfant, la collaboration avec les gens du milieu scolaire devient votre point de départ. Si l’enfant est considéré à risque en lecture et en écriture, son enseignante ou son enseignant s’interroge déjà probablement à ce sujet avec l’orthopédagogue de l’école. En leur parlant de vos inquiétudes, un plan d’évaluation des besoins de votre enfant peut être établi. La nécessité de consulter l’orthophoniste sera établie au cours de ce processus.
Votre collaboration sera un élément clé, car c’est vous qui connaissez le mieux votre enfant. Peu importe ses difficultés, plusieurs interventions peuvent avoir des résultats significatifs (par exemple, l’utilisation de stratégies pour favoriser une attitude positive face à la lecture ou encore implanter le plan d’intervention à la maison), et ce, que l’enfant reçoive un diagnostic ou pas. Vous trouverez ci-dessous deux vidéos pour en apprendre plus sur ces sujets.
Vous trouverez des fiches-conseils résumant le contenu de ces deux vidéos dans le guide pratique.
« Inès adore les chats »
Inès adore les chats. Comme elle est allergique à leurs poils, on ne peut pas en avoir à la maison.
Il y a une semaine, je l’ai emmenée à la bibliothèque. Quand elle était plus petite, elle adorait s’y rendre. Il fallait l’arrêter pour qu’elle ne dévalise pas les rayons!
Dans la voiture, je lui ai dit qu’elle avait pour mission de se trouver un livre avec un chat. J’espérais que cette idée la motive. Depuis que nous l’encourageons, mon mari et moi, à lire de manière autonome, on dirait qu’elle se désintéresse des histoires, ce que je trouve dommage.
À la bibliothèque, elle a voulu prendre un ouvrage contenant des dizaines de photos de chats.

— D’accord, ai-je approuvé, mais j’aimerais que tu choisisses aussi un roman pour ton âge. Je vais t’aider, si tu veux.
Nous avons rapidement déniché une belle histoire. Sur la couverture mauve, on pouvait voir une fillette de l’âge d’Inès tenant un chaton dans ses bras. Malheureusement, depuis, le roman attend tristement sur la table du salon. Inès l’a à peine touché, préférant regarder les photographies de l’encyclopédie.
Son enseignante nous a incités à la faire lire pour améliorer ses habiletés en lecture, mais j’ignore comment l’encourager davantage à le faire…
Stratégies pour favoriser une attitude positive face à la lecture
La maîtrise de la lecture (c’est-à-dire la capacité de lire rapidement, avec précision et avec une bonne compréhension) est essentielle dans toutes les matières à l’école. Pour lire de façon efficace, il n’y a pas de mystère: il faut pratiquer. Les enfants ayant un trouble d’apprentissage ou des difficultés de lecture ont besoin de plus de temps de pratique que leurs pairs. Malheureusement, la plupart des enfants pour qui la lecture représente un défi n’aiment pas lire et évitent la lecture, ce qui fait que leurs compétences s’améliorent très lentement ou pas du tout.
Parce que chaque effort compte…
D’ailleurs, sachez que sans interventions ciblées et spécifiques aux besoins de votre enfant, ses habiletés en lecture et en écriture ne pourront s’améliorer. Le travail du personnel professionnel est donc fondamental dans cette démarche.
« T’as tout faux! »
— T’as tout faux !
— Tais-toi !
Inès se met à hurler. Je dépose mon couteau sur le comptoir et cours dans le salon. Assad regarde l’exercice de sa sœur par-dessus son épaule. Rouge de colère, ma fille lui lance son crayon à la figure.
— Assad, occupe-toi de tes devoirs ! dis-je à mon aîné.
Il sort de la pièce sans ajouter un mot.
— Il a raison, pleurniche Inès. J’ai tout faux.

Je m’accroupis à côté de ma fille et tire son cahier vers moi pour lire ses exercices. Je constate qu’elle a mal lu les consignes pour les deux premiers et qu’elle s’est trompée de page pour le dernier. Un plan d’intervention vient d’être mis en place pour elle, à l’école. Je sais qu’elle a besoin de temps pour améliorer sa compréhension, mais Inès voudrait que ça aille plus vite.
Je lui explique ses erreurs, puis je lui dis qu’elle va devoir recommencer en faisant bien attention aux consignes.
— Mais, maman, ça va me prendre trop de temps !
Ses yeux se remplissent de larmes. Je la rassure :
— Je vais rester avec toi et on va faire les exercices ensemble.
— Je suis nulle, réplique-t-elle en détournant la tête.
J’ai beau l’aimer de tout mon cœur, mais là, je me sens impuissante. Comment réagirait son enseignante dans une telle situation ?
Stratégies pour implanter le plan d’intervention à la maison
Le plan d’intervention peut parfois être une source d’inquiétude pour les parents, notamment car les mesures décrites sont souvent difficiles à comprendre et à décontextualiser du milieu scolaire. Voici quelques stratégies vous permettant de mettre en place les mesures du plan d’intervention à la maison :
Installez l’espace de travail de votre enfant près du vôtre
De cette manière, vous serez en mesure d’intervenir lorsque vous savez que votre enfant a besoin d’aide pour une tâche.
Veillez à ce que tout le matériel auquel il a droit est à sa disposition
Si votre enfant apprend à utiliser des outils d’aide technologique pour la lecture et l’écriture, assurez-vous qu’il puisse les avoir aussi à la maison. C’est en pratiquant régulièrement qu’il pourra se les approprier plus rapidement et prendre conscience de leurs avantages.
Demandez conseil aux intervenantes et aux intervenants qui veillent sur votre enfant
N’hésitez pas à communiquer avec le personnel professionnel qui suit votre enfant ou son enseignante ou son enseignant et leur demander de vous expliquer comment s’intègrent certaines mesures en place au plan d’intervention. Vous saurez ensuite comment les adapter dans ses devoirs ou ses tâches quotidiennes.
Appréciez les progrès
Bien entendu, le plan d’intervention compte bien des mesures pour accommoder votre enfant, mais celles-ci visent d’abord et avant tout sa réussite. Lorsque vous voyez que celui-ci atteint certains objectifs ciblés, soulignez-les.
En somme, que ce soit à la maison ou à l’école, l’important est que votre enfant puisse bénéficier de mesures semblables pour l’aider dans son apprentissage et donc dans sa réussite.
Réalité partagée
« Inès est passée entre les mailles du filet »
Hier, mon mari et moi avons rencontré les intervenantes et les intervenants scolaires. L’orthopédagogue nous a avoué qu’Inès est passée entre les mailles du filet au premier cycle. Comme elle a une bonne mémoire et un vocabulaire riche, elle parvenait à identifier les mots sans forcément les décoder complètement. Ceci explique pourquoi elle n’était pas considérée en grande difficulté par rapport à ses pairs. L’orthopédagogue nous a ensuite rassurés : maintenant qu’Inès est bien accompagnée, elle va obtenir l’aide dont elle a besoin pour progresser.
Je me sens soulagée.
Et ce soir, une belle surprise nous attend.

Je suis assise à côté d’Inès, qui doit lire des noms de monstres qui n’existent pas. Il s’agit d’un exercice très difficile pour elle, car elle ne peut pas faire appel à sa mémoire ou au contexte pour les identifier.
Assad prend soudainement place à côté de sa sœur et dit :
— Je vais te montrer une technique pour démêler le « b » du « p ». Regarde : le « b », c’est comme une maman qui a un « bébé » dans son ventre, alors que le « p », c’est comme un élève qui « porte » un sac à dos.
Inès rigole. Moi, je suis impressionnée.
— Est-ce que tu veux essayer de lire les mots ? lui demande Assad.
Inès hoche vigoureusement la tête, comme si l’exercice s’était soudainement transformé en jeu.
— A…butin. Pamitou. A…Abulliron.
— Bravo ! la félicite Assad.
Inès rayonne de joie.
Je lève les yeux vers mon mari, qui nous regarde depuis la porte. On se sourit, heureux de ce beau moment de partage. Finalement, il n’y a pas que du négatif…
Pour en savoir plus
Au fil des ans, l’Institut des troubles d’apprentissage a développé de nombreux outils pour assurer l’égalité des chances des personnes qui vivent avec un trouble d’apprentissage, leur permettre de développer pleinement leur potentiel et de contribuer positivement à la société. Voici quelques-unes des ressources sélectionnées pour vous. N’hésitez pas à les consulter.
Cette formation présente les principales causes, caractéristiques et manifestations de la dyslexie-dysorthographie. Elle expose aussi les différents mécanismes présents dans les mesures de soutien et les stratégies d’enseignement pouvant favoriser l’apprentissage et la réussite des enfants présentant une dyslexie-dysorthographie.
Pour aller plus loin

À consulter
TA à l’école
Réseau canadien de recherche sur le langage et l’alphabétisation
Liste des bottins des membres du personnel professionnel
Recitas.ca

À lire
Aux éditions de Mortagne
Aux éditions de Mortagne
Aux éditions Horizons

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